• CALISTA



    La viande crue, légèrement dégorgée de son sang, m'excite au plus haut point.
    Rien qu'en évoquant à présent ce mince filet rouge au fond de l'assiette blanche, ma salive abonde sur mes babines et, tout en écrivant, je déglutis goulûment, passablement en manque de ce goût âcre, ferreux et très caractéristique.
    Aussi, à chaque fois que je prépare les carbonnades, je ne peux m'empêcher de prélever ma dîme du kilo de chair fraîche avant de la faire revenir dans un bain mi beurre mi huile au fond de la cocotte.

    « Franchement, là, vous m'écoeurez, vous savez ? », me déblatérait hier soir une Marion-France inopportune en me voyant mastiquer avec délectation mon bout cru, alors que, vu sa présence, je m'étais pourtant gardé de boire le sang à même l'assiette où les dés tentateurs reposaient encore quelques secondes auparavant. J'avais compris « Là, vous m'écoeurez, vous sa-li-vez ? », aussi ai-je opiné à tout hasard mais je pense qu'elle n'était pas assez futée pour me suivre dans mes errements.

    Dans la casserole, la chair, rôtie au premier degré, passa du rouge au gris terreux. J'y transvasai à regret la flaque de sang de l'assiette. La fine coulée se coagula illico en crépitant. Qu'elle s'occupe donc de ses oignons, après tout !

    « Les oignons, vous pouvez les couper grossièrement, vous savez ! », aboyai-je en appuyant machinalement sur « grossièrement » qui, entre mes lèvres, devenait peut-être ordurier. Marion-France ne s'en formalisa pas.
    Les larmes aux yeux, elle me tendit enfin la soucoupe d'oignons, un peu trop hachés à mon goût. Je lui envoyai un regard assassin qui l'obligea à baisser les yeux au bout d'un moment.

    Si elle tenait absolument à apprendre ma recette, il lui faudrait certes un peu plus de talent. Cette fille, de toute évidence, n'avait aucun don culinaire : ses plats de fête devaient certes se résumer aux tomates-crevettes étouffées par une pelletée de mayonnaise à bon marché. Pourquoi Dolores m'avait-elle donc infligé sa présence, gâchant ainsi la religieuse immolation de ma pièce de bœuf... ?
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Je retirai méticuleusement un par un les bouts de muscles dont toutes les faces avaient perdu leur couleur naturelle et jetai ensuite la poignée d'oignons puis quelques branches de thym dans le blanc mousseux au fond de la cocotte. J'espérai pour elle que sa bouche en cul de poule ne ressemble à aucun autre de ses orifices.

    En un mot comme en cent, Marion-France m'agaçait. Tout était exaspérant en elle, même son prénom ridicule. J'avais une singulière envie de l'agresser, par exemple en la forçant de tester du bout des doigts si le beurre était assez frémissant à son goût.

    Insouciante de ce que je lui concoctais intérieurement, elle tamponna ses yeux rougis avec un essuie-tout.
    Comment apprécier une femme qui pleurniche après avoir épluché deux seuls oignons ? (...)


    par Gabriel dans « Calista et le lieutenant », nouvelle.



  • Commentaires

    1
    Dimanche 5 Novembre 2006 à 10:26
    casserole !!!
    n'oublie pas dans ta casserole , les carbonnades,oignons,....pour le repas de dame Mumu ce soir ;;;;))))
    2
    Topxine
    Dimanche 5 Novembre 2006 à 10:54
    La chenille qui redémarre,
    c'est bien. Non, je n'oublie pas la suite de la recette. Ce soir, variante aux chicons !
    3
    Eve
    Lundi 6 Novembre 2006 à 06:29
    je suis folle
    de joie, d'être aliénée ici. Bisouxxx
    4
    Topxine
    Lundi 6 Novembre 2006 à 09:15
    Je suis fou aussi
    de t'y avoir colloquée ! ;o}}}}} BiXXX
    5
    Lundi 6 Novembre 2006 à 10:15
    bonjour..
    et alors dame Mumu a passer un bon wk ??
    6
    Topxine
    Lundi 6 Novembre 2006 à 14:57
    Excellent, dit-elle.
    ... petits achats en pagaille aussi pour la (encore future) s.d.b. !
    7
    Vendredi 17 Novembre 2006 à 10:38
    bisous bisous
    bisous bisous fruités
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